Force ouvrière est « abasourdie », la Confédération française démocratique du travail (CFDT) « atterrée ». Les propos du ministre du travail, François Rebsamen, qui demande à Pôle emploi de « renforcer les contrôles » pour vérifier que les chômeurs « cherchent bien un emploi », ont reçu un accueil très froid, mardi 2 septembre.
Les protestations ont été si vives que l'entourage du ministre a dû préciser sa pensée, assurant qu'« il ne s'agissait en aucun cas de stigmatiser les chômeurs, mais de rappeler la loi », que « ces contrôles existent déjà » et qu'« aucun nouveau dispositif n'est prévu ».
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Dans l'après-midi, le premier secrétaire du Parti socialiste (PS), Jean-Christophe Cambadélis, avait estimé que la déclaration de M. Rebsamen n'était « pas pertinente ». « Si les abus peuvent être recensés, on ne peut réduire notrepolitique à ce but », écrit-il dans une « mise au point » publiée sur son site.
« Les annonces faites (…) sur le contrôle des chômeurs brouillent le message présidentiel, et nous le regrettons ».
Même au sein du gouvernement, les propos de François Rebsamen n'ont pas fait consensus. Le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat, Thierry Mandon, a estimé qu'il fallait « surtout se concentrer sur les réponses pour développer l'emploi » :
« Ce n'est pas parce qu'on contrôle un peu plus les chômeurs qu'on va vaincre le chômage. »
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LES FRONDEURS PS S'INSURGENT
La proposition n'a pas non plus convaincu chez les socialistes, en particulier les « frondeurs ». Ainsi, sur Twitter, Jérôme Guedj, président PS du conseil général de l'Essonne et figure du mouvement, demande à François Rebsamen de fairepreuve d'autant de fermeté avec les entreprises concernées par le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE).
La proposition de François Rebsamen est « une absurdité combinée à une faute », tempête le député PS Arnaud Leroy, un proche d'Arnaud Montebourg.« Notre rôle doit être de déconstruire les préjugés plutôt que d'alimenter les fantasmes sur l'assistanat », renchérit Fanélie Carrey-Conte, députée socialiste « frondeuse », qui joint à son message publié sur Twitter un graphique de l'association ATD Quart Monde sur le coût de la fraude fiscale ou du travail non déclaré par les entreprises.
LE MINISTRE « SINGE LA DROITE »
Le Parti communiste français (PCF) a, lui aussi, fustigé une position qu'il a comparé aux discours tenus par Nicolas Sarkozy. « Au lieu de singer la droite, le ministre du travail ferait mieux de changer de politique », affirme-t-il.
Du côté syndical, pour Eric Aubin, membre de la direction de la Confédération générale du travail (CGT) chargé de l'emploi, la « seule solution » au chômage trouvée par le gouvernement est de « sanctionner les chômeurs ». Le syndicaliste a aussi regretté que le gouvernement reprenne des arguments déjà entendus lors de la présidence de M. Sarkozy, et favorise les aides aux employeurs au risque demettre « gravement en danger notre protection sociale ».
« C'est une provocation de plus, après celles concernant les 35 heures et le travail de dimanche. On s'en prend aux chômeurs et cela évite de parler du chômage », a aussi affirmé le numéro un de la CGT, Thierry Lepaon, sur RTL. Selon lui, les contrôles de demandeurs d'emploi « existent et ont augmenté de 8 % » sur un an, mais, a-t-il précisé, « par rapport au budget de Pôle emploi, la fraude est extrêmement minime ».
RÉHABILITER « L'OFFRE RAISONNABLE »
A droite, en revanche, la mesure fait moins polémique. Interrogé sur les annonces du ministre du travail, le candidat à la présidence de l'Union pour un mouvement populaire (UMP) Hervé Mariton a salué l'initiative, mais a aussi souligné la nécessité de réformer le régime d'indemnisation.
Pour sa part, la députée centriste d'Ille-et-Vilaine Isabelle Le Callennec a souligné sur Twitter la nécessité de réhabiliter « l'offre raisonnable » d'emploi, qui prend en compte la situation de chaque demandeur d'emploi dans les propositions qui leur sont faites.
Le vice-président du FN Florian Philippot s'est dit pour sa part favorable à « plus de contrôles des chômeurs », mais a vu dans les propos de François Rebsamen une volonté de « régler artificiellement le problème du chômage ».
UNE MESURE DÉJÀ EXPÉRIMENTÉE
Selon la CFDT-Pôle emploi, cette mesure — expérimentée dans certaines régions — « n'a pas augmenté les radiations, cela a plutôt reboosté les chômeurs », explique un syndicaliste interrogé par Le Monde, qui estime la mesure « positive, puisqu'ils la prolongent dans les régions test ».
La hausse du chômage s'est poursuivie en juillet en France, où le nombre de demandeurs d'emploi de catégorie A (sans aucune activité) a atteint 3 424 400, un nouveau record, contre 2,945 millions en juin 2012, au lendemain de l'élection deFrançois Hollande. Toutes catégories confondues et outre-mer inclus, la France comptait 5 386 600 chômeurs à fin juillet.