Brice : Pouvez-vous présenter Pôle-emploi en quelques chiffres ?
Jean Bassères : Pôle-emploi, c’est 50 000 agents, près de 950 agences réparties sur tout le territoire. Aujourd’hui, il y a à peu près 5 millions de personnes inscrites au chômage, toutes catégories confondues. Face à cela, nous recevons à peu près 3 millions d’offres d’emploi par an. 88 % trouvent une réponse par Pôle-Emploi ou par un autre biais. En tout, 1,6 million d’embauches ont eu lieu par l’intermédiaire de Pôle emploi l’an dernier.
Elise : En cette période de fort chômage pourquoi n’embauchez-vous pas plus de conseillers ?
On l’a fait. Nous avons recruté depuis juillet dernier 2 000 conseillers et 2 000 nouveaux postes sont en cours de recrutement. A cela s’ajoute un effort interne de 2 000 équivalent temps plein. Une partie du personnel, en charge de fonctions administratives, va être formée à la mission d’accompagnement des demandeurs. C’est 60 % de forces supplémentaires consacrées au suivi des personnes en recherche d’emploi d’ici à fin 2014.
Elise : Comment se fait-il qu’il y ait chaque année autant d’offres d’emploi non pourvues ?
En effet, ça frappe le bon sens. 12 % des offres déposées à Pôle emploi ne sont pas pourvues. Parmi elles, une partie importante est retirée parce que le besoin de recrutement a disparu. Reste alors 126 000 offres non pourvues faute de candidats, soit environ 4 %. Dans ce cas, les raisons sont multiples : inadéquation entre l’offre et la demande, ce qui suppose de la formation, métiers mal connus ou encore problèmes de mobilité géographique. Nous y travaillons activement.
Brice : On peut se demander si Pôle emploi est le bon interlocuteur pour toutes les personnes...
Nous sommes un service public. Je trouve en effet légitime de consacrer nos moyens en direction de ceux qui en ont le plus besoin. C’est pour ça que nous mettons en place une offre de service différente avec trois modalités selon le degré d’éloignement au marché du travail. Les demandeurs les plus éloignés vont bénéficier d’un accompagnement renforcé. Notre objectif est ici de 70 dossiers par agent. A l’autre bout, il y a les demandeurs plus autonomes qui peuvent rejoindre un portefeuille de 200 à 350 personnes par conseiller. Entre les deux, les demandeurs « guidés ». Dans cette logique, nous créerons cette année un service totalement dématérialisé pour permettre d’échanger uniquement en ligne avec son conseiller.
Mireille : Comment s’y retrouver dans l’offre pléthorique de formations ?
La formation professionnelle est en effet un enjeu très important. Il semble, là aussi, pertinent qu’une partie plus importante des fonds de la formation aille à ceux qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire les salariés les moins qualifiés et les demandeurs d’emploi. Chaque année, Pôle emploi finance de la formation, des prestations ou des aides à hauteur de 800 millions d’euros. A notre niveau, l’amélioration qu’on peut apporter c’est d’être le plus réactif possible.
Christophe : J’ai financé ma formation et me démène pour travailler comme photographe. Seulement je ne trouve pas d’emploi et ne peux pas me faire payer quand je travaille sinon on me supprime mes indemnités...
L’Assurance-chômage prévoit pourtant un dispositif qui s’appelle l’activité réduite et permet, sous certaines conditions, de cumuler une indemnisation et une rémunération réduite. Maintenant sur le manque d’offres, il faut dire les choses clairement : si je n’ai pas d’employeur dans votre branche, c’est objectivement plus difficile.
Mireille : Dans ces conditions, comment assouplir le système ?
Il faut donner plus de responsabilité aux conseillers. Il faut leur faire confiance. Deux exemples. Désormais les directeurs régionaux disposent d’une enveloppe et décident s’il vaut mieux financer de la formation, des prestations ou des aides. Ensuite, jusqu’à présent il existait neuf aides à la reprise d’emploi ou à la mobilité. A partir de janvier, il n’y aura plus qu’un seul régime.
Metronews : Fixerez-vous des objectifs chiffrés aux agents de Pôle emploi ?
Je souhaite avant tout que l’on puisse démontrer l’efficacité de notre action. Bientôt grâce à la déclaration préalable à l’embauche, les agents auront la possibilité de savoir si les demandeurs d’emploi qu’ils suivent ont retrouvé un emploi. C’est un élément nouveau, qui va nous permettre d’évaluer objectivement la qualité du service rendu.
Habib : Comment vous situez-vous face à la concurrence d’Internet, des cabinets de recrutement ou des agences d’intérim ?
Je ne suis pas dans une logique de concurrence mais plutôt dans une logique de coopération. Nous travaillons déjà avec les agences d’intérim. Mais nous souhaitons rendre encore plus visibles les offres, les CV déposés sur notre site. Notre projet, lancé dès juin, c’est la création d’un agrégateur autour du site pole-emploi.fr réunissant au démarrage dix acteurs, qui proposent des offres d’emploi sur internet, pour mieux faire connaître ces offres.
Metronews : Les initiatives autour de l'emploi, comme la Semaine pour l'emploi, ont-elles un réel impact sur les embauches ?
Oui, bien sûr ! Ce sont quelques milliers de recrutements qui se font. Et cela permet notamment à des jeunes de découvrir des métiers auxquels ils ne pensaient pas. Si cette démarche n'aboutit pas directement sur un emploi, des projets peuvent germer. En matière d'emploi, toutes les initiatives sont les bienvenues.
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Habib, 43 ans, technicien de laboratoire, en recherche d’emploi.
"Je l’ai trouvé sympathique. Il a bien défini sa mission. Il a parlé concrètement et a répondu à mes attentes. On sent qu’il connait bien ses dossiers."
Elise, 25 ans, étudiante.
"Il donne un côté humain à un système qui paraît très administratif. Il semble vraiment impliqué, sans langue de bois. Il a été franc et assume qu’il y a des choses à modifier à Pôle emploi."
Christophe, 41 ans, photographe en recherche d’emploi.
"On sent qu’il connaît son sujet. On a l’impression que le côté plus humain va prendre le pas sur le côté administratif au Pôle emploi. Jean Bassères s’est montré accessible et impliqué."
MIreille, 57 ans, enseignante-traductrice en recherche d’emploi.
"J’ai apprécié qu’il parle d’agréger les différents sites de recherches d’emploi. Aller vers un accompagnement plus personnalisé est aussi une évolution positive. Je pense cependant qu’il ne se rend pas compte des difficultés que rencontrent les seniors."