7 décembre 2014 7 07 /12 /décembre /2014 20:59

 

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L'Humanité  5 décembre 2014

Les nouveaux effets pervers de la convention d'assurance chômage

Alors que la conven­tion d'as­su­rance chô­mage est at­ta­quée en jus­tice par la CGT et par les as­so­cia­tions, ces der­nières tirent la son­nette d'alarme. Même les me­sures de cette conven­tion pré­sen­tées comme po­si­tives en­gendrent des pertes de droits pour les chô­meurs.
Depuis le 1er no­vembre, son al­lo­ca­tion d'en­vi­ron 500 euros a chuté de près de 200 euros. « Ma conseillère m'a confirmé que c'était dû aux nou­velles règles d'in­dem­ni­sa­tion, alors que j'avais en­tendu dire qu'elles se­raient plus in­té­res­santes, sou­pire Syl­vie. Quand je lui de­mande des pré­ci­sions, elle me ré­pond qu'elle n'y com­prend rien ! Deux cents euros d'al­lo­ca­tion en­vo­lés, c'est ça en moins pour payer la mai­son de re­traite de ma mère. J'ai voté Hol­lande et je trouve cette in­jus­tice ex­trê­me­ment cho­quante. » 1,7 mil­lion de per­sonnes cu­mu­lant un petit contrat et une al­lo­ca­tion chô­mage sont concer­nées par cette re­fonte du cal­cul de l'ac­ti­vité ré­duite. Cer­tains cri­tères ont été as­sou­plis pour per­mettre à plus de pré­caires d'en­trer dans le dis­po­si­tif. Mais les al­lo­ca­tions sont sou­vent moins éle­vées, en contre­par­tie d'un al­lon­ge­ment de la durée de ver­se­ment. Ce chan­ge­ment de règles de­vait avant tout « in­ci­ter les chô­meurs à la re­prise d'em­ploi », idée chère au Medef et au gou­ver­ne­ment.
Après une car­rière dans le prêt-à-por­ter et deux ans de chô­mage, Syl­vie n'a pas réussi à re­trou­ver un em­ploi à temps com­plet. « Je me de­mande pour­quoi je m'em­bête en­core à bos­ser à mon âge, ça me prend trop la tête. »
La quin­qua­gé­naire n'est pas la seule à subir le re­vers de bâton de la conven­tion d'as­su­rance chô­mage. Le piège des droits re­char­geables, vendu pour­tant aux de­man­deurs d'em­ploi comme une grande avan­cée, s'est déjà re­fermé sur de nom­breux pré­caires. Avant, la pro­cé­dure de « ré­ad­mis­sion » était en vi­gueur : un ca­pi­tal de droits était cal­culé en fonc­tion de la pé­riode d'in­dem­ni­sa­tion la plus fa­vo­rable. Dé­sor­mais, avec les droits re­char­geables, si une per­sonne a ac­cu­mulé deux pé­riodes de droits au chô­mage, elles se suc­cèdent l'une à l'autre. Sur le pa­pier, le de­man­deur d'em­ploi de­vrait être mieux pro­tégé. Mais le compte n'y est pas. « Nous ren­con­trons ce pro­blème au quo­ti­dien, ex­plique Em­ma­nuel M'hedhbi, du SNU Pôle em­ploi, il y a, par exemple, le cas d'un chô­meur qui était aide à do­mi­cile. Il a perdu son tra­vail, en­suite, il a oc­cupé un em­ploi de comp­table mieux ré­mu­néré que le pré­cé­dent avant de re­tom­ber à nou­veau au chô­mage. Avec les droits re­char­geables, il sera d'abord in­dem­nisé avec les droits ou­verts pour son pre­mier em­ploi, celui dont le sa­laire est moins élevé. »
Les in­ter­mit­tents du spec­tacle sont clai­re­ment me­na­cés par la mise en place de ce dis­po­si­tif. La per­ma­nence du CIP-IDF, Co­mité des in­ter­mit­tents et pré­caires d'Île-de-France, est as­saillie par les ar­tistes et tech­ni­ciens lésés. La mé­ca­nique est per­verse. Beau­coup d'in­ter­mit­tents ont des pe­tits bou­lots à côté, don­nant par exemple des cours de gui­tare ou de ci­néma, un tra­vail gé­né­ra­le­ment in­dem­nisé par le ré­gime gé­né­ral de l'as­su­rance chô­mage. Au mo­ment du re­cal­cul de leurs droits, ils ont be­soin de 507 heures réa­li­sées en dix mois et demi pour res­ter dans le ré­gime de l'in­ter­mit­tence. Si ce quota d'heures n'est pas rem­pli, Pôle em­ploi peut pio­cher dans ces droits ac­cu­mu­lés au ré­gime gé­né­ral grâce aux cours dis­pen­sés. Les heures d'in­ter­mit­tence se­ront donc per­dues et les ar­tistes se re­trouvent blo­qués dans le ré­gime gé­né­ral avec des al­lo­ca­tions plus faibles.
Pour Sofi Vaillant de la CIP, « main­te­nant, les gens vont y ré­flé­chir à deux fois avant d'ac­cep­ter des contrats hors in­ter­mit­tence. C'est une chausse-trappe pour faire sor­tir les in­ter­mit­tents des an­nexes 8 et 10 et em­pê­cher de nou­veaux d'y en­trer. Ça fait des an­nées que le Medef veut gri­gno­ter nos droits, il y ar­rive d'une ma­nière ou d'une autre ».
Lau­rence, trente-six ans, cos­tu­mière, ne sait pas com­ment se dé­pê­trer de ce bour­bier. Après une rup­ture conven­tion­nelle dans une co­opé­ra­tive de pa­niers de lé­gumes, elle en­chaîne presque im­mé­dia­te­ment sur une for­ma­tion dans un ate­lier de confec­tion, puis trouve un contrat. Quand il finit le 30 sep­tembre, elle dé­pose son dos­sier à Pôle em­ploi le 6 oc­tobre. Mais ne peut pas bé­né­fi­cier du ré­gime in­ter­mit­tent. « On me dit que c'est trop tard, que les nou­velles règles du 1er oc­tobre, les droits re­char­geables, s'ap­pliquent. Je de­vrais donc épui­ser mes droits au chô­mage suite de ma rup­ture conven­tion­nelle, soit 672 jours, avant de pré­tendre au ré­gime in­ter­mit­tent, je l'ai très mal pris ! » Si elle a en­tamé des re­cours au­près de Pôle em­ploi, en at­ten­dant, elle touche ses 868 euros d'al­lo­ca­tion au lieu des 1 330 aux­quels elle au­rait pu pré­tendre en tant que cos­tu­mière.
« Les droits re­char­geables doivent pous­ser les gens à re­tra­vailler, moi, ça m'in­cite plu­tôt à res­ter chez moi en at­ten­dant d'avoir li­quidé mes droits. Je ne sais pas com­ment je vais re­bon­dir. » Phi­lippe Sa­ba­ter du bu­reau na­tio­nal du SNU Pôle em­ploi se sou­vient de la « cam­pagne com­mu­ni­ca­tion­nelle faite au­tour des droits re­char­geables. Or, on as­siste à des éco­no­mies sur les droits des plus pré­caires. Il faut être cos­taud en tant que chô­meur pour se battre contre le sys­tème ». Les conseillers Pôle em­ploi manquent eux aussi d'armes pour dé­cryp­ter la com­plexité d'in­dem­ni­sa­tion. Les agents char­gés de la ges­tion des droits n'ont bé­né­fi­cié que de trois jours de for­ma­tion, les autres, de deux jours. « Pôle em­ploi est di­rigé par des ges­tion­naires ma­lades du chiffre, les ho­raires d'ou­ver­ture des agences vont en­core être ré­duits, la dé­ma­té­ria­li­sa­tion du suivi des chô­meurs, avec le 100 % Web, est en train de se gé­né­ra­li­ser, on as­siste à la désa­gré­ga­tion du ser­vice pu­blic. » Pour dé­non­cer ces dé­rives, les agents de Pôle em­ploi et les chô­meurs ma­ni­fes­te­ront, sa­medi, en­semble à Paris.
par Cé­cile Rous­seau

 

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commentaires

B
Un de nos syndicat (qui est parmi les rares à encore mériter ce nom) a esté en justice contre cette nouvelle convention d'indemnisation.<br /> <br /> Il ne faut pas oublier que les conseillers ne sont pas responsables des règles qu'ils sont contraints d'appliquer, sans même parler du surcroît de travail qu'elles imposent.(cumul ARE avec salaire<br /> diminué notamment pour les plus de 50 ans, recherche systématique du moindre départ volontaire bloquant, nécessité à la moindre coupure de paiement de 3 mois d'une nouvelle paperasse nommée "DRV"<br /> occasionnant mécaniquement un délai de paiement supplémentaire et délais de carence de 7 jours ou plus "à de nombreuses reprises"...)
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S
Bonjour,<br /> Je suis âgée de 30 ans, j'ai été inscrite à l Anpe il y a 4 ans et j'ai repris un travail avant la fin de mes droits. Mon salaire a évolué en fonction de mes années d expériences. Je viens de<br /> perdre mon emploi et l on me dit que j'ai de la chance ma durée d'indemnisation sera plus longue. Mais mes indemnités sont réduites déplus de 200 euros. Je ne veut pas rester au chômage, mais<br /> seulement pouvoir vivre suite à ma perte d'emploi. Je ne comprends vraiment pas ce nouveau système. On ne peut pas évoluer!
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B
Sous prétexte d'une réduction de seuil, cette nouvelle réglementation génère un ubuesque "effet de cliquet".*<br /> <br /> Pas de retour en arrière possible. Si n'avez pas d'autre choix que d'accepter des CDD de mi-temps de m... ou de travailler pour moins cher qu'avant: vous aurez droit à une allocation à l'avenant,<br /> conforme à vos cotisations.<br /> <br /> Mais si vous avez ensuite la chance de relever la tête en trouvant mieux, votre allocation restera merdique jusqu'au bout, nonobstant vos cotisations bien supérieures. Bonjour la prime au désespoir<br /> !<br /> <br /> Donc, pour résumer, en 2014: l'Unédic instaure une ALLOCATION DE CLASSE: la misère reste à la misère. Et nous autres, "contrôleurs" veillons en plus au grain de la moindre démission, et encaissons<br /> en direct de notre accueil le désespoir, la frustration, et parfois même la haine engendrée par cette mécanique folle, vu qu'on n'a bien sûr pas d'autre choix (à part la démission).<br /> <br /> * http://www.pauljorion.com/blog/2014/10/14/le-monde-leffet-de-cliquet-ennemi-de-la-democratie-le-mardi-14-octobre-2014/
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J
Rejoignez-nous ! Nous sommes en lutte pour exiger le "droit d'option" pour tous (entre le reliquat et les nouveaux droits), et pas seulement les personnes en contrat d'apprentissage et contrat de<br /> professionnalisation. Déjà 22 témoignages, tous très poignants. Ensemble, on peut réussir à obtenir ce "droit d'option"
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W
> il sera d'abord in­dem­nisé avec les droits ou­verts pour son pre­mier em­ploi, celui dont le sa­laire est moins élevé. »<br /> <br /> je ne vois pas où est le soucis: comme souvent plus on avance dans la vie plus son salaire se limite à 4 lettres. soit cela n'a aucun effet ou soit c'est avantageux ^^<br /> <br /> cette personne est malheureusement dans les cas inverses, qu'elle se rassure son tour viendra surement prochainement à rejoindra la majorité sic ! CQFD.<br /> <br /> bref pas besoin d'en faire un article, ces éffets de bord étaient facilement détectable dés le départ des négociations.
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