AFP 16 février 2013
Les immolations par le feu de deux demandeurs d'emploi, à Nantes mercredi et Saint-Ouen vendredi, témoignent des difficultés des chômeurs, entre 80.000 et 90.000 chaque mois, dont les droits à l'indemnisation chômage sont épuisés.
Ces "fins de droits", qui ne sont plus couverts par l'assurance chômage, 98.000 personnes en décembre 2012, représentent près d'un tiers (30%) des sorties d'indemnisation, une proportion stable depuis trois ans et égale à celles qui retrouvent un emploi.
Sur un an, entre août 2011 et août 2012, leur nombre a progressé de 7,2%. Cette augmentation est comparable à l'augmentation des demandeurs d'emploi, selon l'Unédic, l'organisme gérant l'assurance chômage.
La hausse tient aussi en partie au fait que de plus en plus de demandeurs d'emploi entrent au chômage avec des droits plus courts, donc plus rapidement épuisés, souligne l'Unédic.
Les personnes inscrites après une fin de CDD ou un contrat d'intérim ont droit à une indemnité de quelques mois seulement. La longueur de l'indemnisation dépend de la durée de travail antérieure à la perte d'emploi.
Une durée minimale de 4 mois de travail (122 jours ou 610 heures de travail) dans les 28 derniers mois est exigée pour les chômeurs de moins de 50 ans (36 mois pour les autres) pour prétendre à des droits.
La période d'indemnisation est ensuite égale à la durée de cotisation, dans la limite de 2 ans pour les moins de 50 ans (3 ans pour les personnes plus âgées). Près de 70% des chômeurs indemnisés fin 2011 avaient des droits ouverts supérieurs à un an.
Pendant cette période, un chômeur peut cumuler un petit revenu d'activité avec son allocation, recalculée chaque mois en fonction du revenu déclaré.
Dans le cas du chômeur nantais, celui-ci n'était plus indemnisé depuis fin novembre 2012. Il avait retravaillé au cours des derniers mois mais Pôle emploi refusait de rouvrir ses droits. Selon Pôle emploi, le chômeur n'avait pas déclaré une mission d'intérim effectuée en décembre. Et dans ce cas, la sanction est que la période n'est pas prise en compte.
Lorsque les droits au chômage sont épuisés, des aides d'Etat peuvent ensuite prendre le relais, sous certaines conditions (d'âge ou de ressources notamment). L'Allocation de solidarité spécifique avait été proposée au chômeur nantais.
Ainsi fin décembre 2012, 402.900 demandeurs d'emplois recevaient l'ASS (de 477 euros au maximum), la principale allocation, soit 26.700 de plus qu'un an plus tôt. Certains chômeurs seniors ont aussi droit à une allocation faisant la jonction avec la retraite. En outre, plus de 700.000 autres demandeurs d'emplois bénéficiaient à la même date du Revenu de solidarité active (RSA).

Le Monde 16 février 2013
Le nombre de chômeurs en fin de droits a bondi en 2012
Difficile de savoir de combien exactement le nombre de chômeurs en fin de droits a bondi en 2012, tant les chiffres sont confus selon les sources qui les fournissent.
Selon Pôle emploi, la part des chômeurs indemnisés a stagné autour de 41 % en 2012, alors qu'elle est montée jusqu'à plus de 55 % dans les années 2000. Pire, en décembre, le nombre de chômeurs indemnisés ne progressait que de 5 % sur un an, alors que le nombre de l'ensemble des demandeurs d'emploi avait bondi de 10 % dans le même temps. Sur les 5 millions d'inscrits à Pôle emploi, seuls 2,2 millions perçoivent ainsi une indemnité chômage.
BOND DE L'ACTIVITÉ PARTIELLE
Mais l'Unedic se veut plus rassurant. L'organisme qui gère l'assurance-chômage calcule en effet de son côté un "taux de couverture", qui prend en compte à la fois les chômeurs indemnisés et ceux ayant trop travaillé pour percevoir une allocation. Selon ces chiffres, le nombre de chômeurs couverts par l'assurance-chômage atteignait ainsi 63 % fin 2011, un chiffre qui est resté relativement stable au cours de la crise, selon l'organisme.
L'Unedic estime que, si l'indemnisation recule, c'est d'abord en raison d'un bond de l'activité partielle des chômeurs. Au-delà de 110 heures travaillées dans le mois, un chômeur n'a plus le droit à une indemnité chômage, tout en restant inscrit sur les listes. En juin 2012, 603 160 chômeurs avaient ainsi trop travaillé pour être indemnisés, un chiffre record et qui a progressé fortement depuis le début de l'année.
98 000 PERSONNES EN DÉCEMBRE
Reste que le nombre de chômeurs en fin de droits a bien explosé en 2012. En décembre, 98 000 personnes sont arrivées au bout de leurs droits à indemnisation, alors qu'en 2011 ce chiffre ne dépassait pas les 90 000 par mois, selon l'Unedic. Le nombre de chômeurs bénéficiaires des minima sociaux a également explosé bien plus vite que le nombre total des chômeurs.
Il y a eu 14,4 % de bénéficiaires de l'allocation spécifique de solidarité (ASS) et 13,3 % de bénéficiaires du RSA de plus en un an. Deux allocations qui plafonnent à 470 euros par mois pour une personne seule et se traduisent bien souvent par une brutale perte de revenu pour les chômeurs concernés.
"PAS DE STATISTIQUES FIABLES"
La direction de Pôle emploi s'abrite derrière cette confusion de chiffres pour ne pas s'exprimer sur la réalité de la hausse des fins de droits. "Nous n'avons pas de statistiques fiables sur l'indemnisation", avance-t-on. A cette confusion s'ajoute l'extrême complexité des règles d'indemnisation, qui ne facilitent pas toujours la vie des chômeurs. Djamal Chaab, le chômeur qui s'est immolé à Nantes, n'avait pas compris pourquoi il ne pouvait pas percevoir son indemnisation, malgré le fait qu'il estimait avoir assez travaillé.
Autre écueil : les dossiers de constitution de demandes de l'ASS et du RSA ne sont pas plus simples. Pour obtenir l'ASS, il faut ainsi retracer ses dix dernières années de carrière et retrouver toutes les pièces justificatives qui vont avec. Pour le RSA, Pôle emploi renvoie les bénéficiaires potentiels vers les conseils généraux ou les CAF. Dans les deux cas, les procédures peuvent durer plusieurs mois, alors qu'elles concernent des chômeurs qui sont à l'euro près.

L'EXPANSION 15 février 2013
Gros plan sur l'explosion du nombre des chômeurs en fin de droits
La tentative de suicide d'un chômeur en fin de droits à Saint-Ouen braque une nouvelle fois les projecteurs sur la montée du chômage de longue durée et celle des exclus du système d'indemnisation. Le principaux chiffres à retenir.
Après l'immolation par le feu d'un chômeur de 42 ans en fin de droits devant le Pôle Emploi de Nantes, la tentative de suicide similaire à Saint-Ouen d'un homme se disant dans la même situation met en lumière l'explosion du nombre de demandeurs d'emploi exclus du régime d'indemnisation.
Près d'un chômeur sur deux n'est pas indemnisé
A la fin décembre, plus de 4,6 millions de personnes pointaient à Pôle emploi, dont 3,1 millions sans aucune activité. Deux catégories en hausse respectivement de 10% et de 8,8%. Mais tous ces demandeurs d'emploi ne sont pas indemnisés. En décembre dernier, près de 2,3 millions de personnes recevaient une allocation chômage, soit une hausse de 5,1% sur un an deux fois moins rapide que la hausse globale des chômeurs. Autrement dit, si on y ajoute les chômeurs dispensés de recherche d'emploi, près d'un chômeur sur deux (47,8%) n'est pas indemnisé.
80 à 90 000 personnes par mois perdent leurs droits
Chaque mois, entre 80.000 et 90.000 allocataires en moyenne ne sont plus couverts par l'assurance-chômage car leurs droits sont épuisés. Le nombre de chômeurs en fin de droits a ainsi progressé de 7,2% en 2012. Pour l'Unédic, ces sorties sont dues au fait que de plus en plus d'entre eux entrent avec des droits chômage plus courts, et donc plus rapidement épuisés. "La conjoncture étant mauvaise, elle permet peu de reprise d'emploi, l'arrivée en fin de droits est donc plus courante", souligne-t-on.
A la crise, s'ajoute aussi un manque d'accompagnement dispensé par Pôle Emploi en raison d'un manque d'effectifs. Les agents sont débordés. "En France, les conseillers Pôle Emploi ont deux fois plus de personnes à accompagner qu'en Angleterre ou en Allemagne" précise Sophie Bonnaure, déléguée général de Solidarités Nouvelles face au Chômage.
Près de 2 millions de chômeurs longue durée
La situation n'est pas près de s'améliorer. Le chômage de longue durée a explosé (+12,5%) en 2012 à 1,96 millions de personnes inscrites depuis plus d'un an à Pôle emploi. Soit près de 39% des demandeurs d'emploi. Parmi eux, 500.000 sont au chômage depuis trois ans ou plus.
Que deviennent les chômeurs en fin de droit ?
Il y a trois cas possibles. Soit, la personne bénéficie de l'Allocation de Solidarité Spécifique (ASS) si elle justifie cinq ans d'activité salariée au cours des dix années précédant la fin de son contrat de travail.
Soit, le demandeur d'emploi n'est pas éligible à l'ASS mais perçoit le Revenu de Solidarité Active (RSA) : 483,24 euros pour une personne seule et n'exerçant aucune activité. Le passage de l'indemnisation au revenu minimum se traduit donc par une importante baisse de revenu.
Soit, le chômeur ne remplit aucune des conditions pour accéder à un minima social : à savoir s'il est âgé de moins de 25 ans ou si son foyer dépasse les plafonds du revenu. La personne se retrouve alors sans ressources propres. "Quand on n'a ni le droit à l'ASS, ni au RSA, on n'est rien du tout !" souligne Jean-François Kiefer, secrétaire national de CGT chômeurs.
Quelles solutions ?
Tout passe évidemment par une reprise de l'activité. Mais un meilleur accompagnement des demandeurs d'emploi tout au long de leurs recherches est nécessaure. "Il faut des moyens financiers pour recruter plus d'agents, estime ainsi Sophie Bonnaure. Les entretiens avec les chômeurs sont trop courts, parfois ils se font par téléphone ou e-mail. Et, il faut du temps. Redonner confiance à la personne, s'assurer qu'elle ne se désocialise pas et l'écouter à l'occasion de rencontres régulières, sont les éléments indispensables pour aider un chômeur"..
Un sentiment partagé par Philippe Berhault, secrétaire général adjoint de la CFDT-PSTE : " Il faut s'occuper des demandeurs d'emploi dès le démarrage ! Pour cela, il faut du renfort sur place afin de mieux cibler les besoins des personnes. Je crois à la vertu de l'accompagnement mais il faut donner les moyens aux agents ".
Quelles perspectives pour 2013?
L'Unédic ne prévoit que 7.300 demandeurs d'emploi indemnisés supplémentaires, mais s'attend à un afflux de 185.500 chômeurs sans activité de plus. En incluant les demandeurs d'emploi ayant une activité réduite, l'assurance-chômage prévoit une hausse totale de 234.900 inscrits. Le taux d'indemnisation pourrait donc encore baisser.