Pôle emploi a assumé mardi une part de responsabilité dans les derniers chiffres faussés du chômage, un bug embarrassant pour le gouvernement puisqu’il met en cause la fiabilité du «thermomètre» qui mesurera l’inversion promise de la courbe du chômage.

Lundi, cinq jours après la publication de chiffres spectaculaires pour le mois d’août (-50.000 chômeurs en catégorie A, sans aucune activité, du jamais vu depuis 13 ans), Pôle emploi a révélé qu’un bug chez SFR a largement faussé les données. En réalité, la baisse serait «comprise entre 22.000 et 29.000».

Le directeur général de Pôle emploi, Jean Bassères, a admis mardi «une responsabilité partagée» avec l’opérateur, qui n’a pas souhaité faire de commentaires.

SFR est chargé «depuis quelques mois», selon Pôle emploi, d’acheminer l’ensemble des messages de relance envoyés aux demandeurs d’emploi pour qu’ils actualisent leur situation.

Le chiffre redressé «reste excellent», souligne-t-on au ministère du Travail. Mais, alors que les observateurs pointent de manière régulière les zones d’ombre des données de Pôle emploi, les dégâts sont là.

L’incident a été jugé «scandaleux» par le numéro un de la CFDT, Laurent Berger, qui estime «qu’il faut qu’on ait des chiffres fiables».

Une source proche du dossier a confié à l’AFP que le ministre du Travail, Michel Sapin, «furieux» avait convoqué de façon «sévère» le directeur général de Pôle emploi ainsi que de celui de la Dares (chargée des statistiques du ministère).

Au ministère, on estime que ces chiffres constituent «une statistique sensible, sur laquelle on doit être irréprochable, même si elle est inévitablement soumise à des aléas techniques».

Et on déplore de n’avoir pas pu redresser les données avant la publication du 25 septembre, puisque l’anomalie (un boom des cessations d’inscription pour défaut d’actualisation de près de 40%) avait été décelée.

Chaque mois où presque, les économistes mettent en garde contre la «volatilité» de ces données qui relèvent d’une gestion administrative et ne sont pas reconnues dans les comparaisons internationales. La plupart lui préfèrent le taux de chômage trimestriel de l’Insee, calculé sur la base d’une enquête menée auprès de 100.000 personnes.

Bond des radiations, sorties des listes inexpliquées... A l’été 2012 déjà, la présidente du Conseil d’orientation pour l’emploi (COE), Marie-Claire Carrère-Gée, s’étonnait des «évolutions particulièrement erratiques et inexpliquées de certains chiffres».

«Regarder la moyenne sur trois mois»

A Pôle emploi, on estime qu'«on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre». «On donne des chiffres tous les mois mais il y a forcément des imprécisions car c’est du déclaratif. En plus, le procès en manipulation ne tient pas car nos chiffres sont au-dessus de ceux de l’Insee», se défend-on.

«On donne beaucoup trop d’importance à ce chiffre des inscrits en catégorie A, qu’il faut prendre avec énormément de précaution. Certains statisticiens de Pôle emploi disent même que toute variation mensuelle inférieure à 20.000 demandeurs d’emploi ne veut rien dire», affirme Eric Heyer, directeur adjoint à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

Selon l’économiste, «le problème est que ces chiffres sont devenus un enjeu politique car il permettent d’avoir une idée rapide de l’efficacité des politiques publiques».

Et de souligner: «il n’y a aucune raison pour expliquer que le chômage ait baissé au mois d’août alors que l’on détruit 120.000 emplois par an et que la population active augmente».

Pour Jean-Baptiste de Foucault, ex-commissaire au plan spécialiste des questions d’emploi, il faut cesser de «fétichiser» ces chiffres et faire comprendre «qu’il n’y a pas de chiffre rigoureusement exact».

Il résume ainsi la quadrature du cercle: «les chiffres de Pôle emploi sont précis, mais pas exhaustifs. Et ceux de l’Insee sont imprécis, car ils relèvent d’une enquête».

Le gouvernement maintient malgré tout sa confiance aux statistiques de Pôle emploi, qui permettront d’apprécier la concrétisation de la promesse de François Hollande.

«Le ministre du Travail n’a pas l’intention de changer quoi que ce soit au thermomètre: cet incident ne met pas à terre la mesure du chômage, la fiabilité va être renforcée. De toute façon, il faut regarder la moyenne sur trois mois, on l’a toujours dit et on continuera à le dire», souligne-t-on au ministère.

AFP